
La Cour de cassation a récemment rendu des arrêts attendus qui clarifient une question de droit social de longue date : le report des congés payés en cas d’arrêt maladie survenant pendant les vacances. Cette décision marque une nouvelle étape du droit français en s’alignant sur les principes du droit de l’Union européenne, mettant fin à plus de deux décennies de réticences et de contentieux.
Contexte historique de désaccord
Pendant plus de vingt ans, la question des arrêts maladie et des congés payés a suscité de nombreux questionnements. Le Code du travail français était en décalage avec une directive européenne de 2003. Auparavant, la jurisprudence française majoritaire considérait qu’un salarié tombant malade pendant ses congés ne pouvait pas exiger le report des jours de congé perdus, la période de maladie étant incluse dans les congés. Seuls les arrêts pour accidents du travail ou maladies professionnelles permettaient d’acquérir des jours de congés payés.
Cette position était en décalage avec la jurisprudence européenne. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait déjà jugé, dès 2012, qu’un salarié malade pendant ses congés a droit au report des jours de congés non bénéficiés. La finalité du congé annuel payé est de permettre au salarié de se reposer et de se détendre, tandis que le congé de maladie vise à lui permettre de se rétablir d’un problème de santé. Ces deux droits n’ont donc pas la même finalité.
Face à cette divergence, la France a fait l’objet d’une procédure d’infraction de la part de la Commission européenne, qui lui reprochait de ne pas garantir aux salariés le droit de récupérer les jours de congé coïncidant avec une maladie survenue pendant les vacances. La Commission avait même adressé une lettre de mise en demeure à la France en juin 2025, lui laissant deux mois pour se conformer, sous peine de voir l’affaire portée devant la CJUE.
Décision historique de la Cour de cassation du 10 septembre 2025
Le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a tranché, mettant fin au flou juridique et alignant enfin le droit français sur le droit européen. Dans un arrêt très attendu, la plus haute juridiction française a affirmé que si un salarié tombe malade pendant ses vacances, il a le droit de voir son congé payé reporté.
Cette décision a été rendue à la suite d’un pourvoi concernant une salariée à qui la justice avait demandé de restituer un trop-perçu d’indemnité de congé payé. La cour d’appel avait refusé de considérer comme consommés les jours de congé coïncidant avec un arrêt maladie, estimant qu’ils devaient être reportés. L’employeur avait contesté cette approche devant la Cour de cassation, qui a confirmé la décision d’appel et débouté l’employeur. La Cour a rappelé la distinction fondamentale entre le congé payé, visant au repos et aux loisirs, et l’arrêt maladie, destiné au rétablissement de la santé. Lorsqu’une maladie survient pendant les vacances, l’objectif du repos n’est pas atteint, justifiant ainsi le report des jours non réellement bénéficiés.
Condition essentielle : la notification à l’employeur
Ce droit au report n’est toutefois pas automatique. La Cour de cassation a précisé une condition impérative : l’arrêt maladie doit être notifié par le salarié à son employeur. Cette notification est permettra à l’entreprise de réorganiser la gestion des absences et des plannings.
Conséquences et implications de cette nouvelle jurisprudence
Cette clarification a des répercussions concrètes pour les salariés et les employeurs :
Pour les salariés :
- Le droit au repos est conforté. En cas de maladie pendant les vacances, ils ont la garantie de pouvoir profiter ultérieurement de leurs jours de congé initialement « perdus », à condition de notifier leur arrêt.
- Le compteur de congés continue d’être alimenté pendant l’arrêt de travail. Désormais, un salarié en arrêt maladie acquiert 2 jours ouvrables de congés payés par mois. Pour les arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle, le droit reste de 2,5 jours par mois.
- Le salarié pourra prendre ces congés reportés à son retour dans l’entreprise, avec un délai de report prévu par le Code du travail de 15 mois maximum à compter de l’information par l’employeur après la reprise du travail.
- Si le salarié ne reprend pas le travail (par exemple, en cas de démission), il aura droit à une indemnité compensatrice pour les congés non pris.
Pour les employeurs :
- Les entreprises devront intégrer cette possibilité dans leur gestion des congés. Cela implique d’ajuster les outils de ressources humaines pour anticiper le report éventuel des jours posés et d’informer clairement les équipes des démarches à suivre en cas d’arrêt maladie pendant les congés.
- La sécurisation des processus internes est un enjeu pour éviter des litiges ultérieurs.
- En outre, la Cour de cassation, dans un autre arrêt publié le même jour, a également décidé, toujours en se basant sur le droit européen, le droit au paiement d’heures supplémentaires pour un salarié au décompte horaire, y compris sur la semaine où il a pris un jour de congé payé et n’a pas réalisé 35 heures de travail effectif. Ce raisonnement est fondé sur le principe que toute mesure pouvant dissuader un salarié de prendre ses congés payés est interdite.
Ce qu’il faut retenir
Les décisions de la Cour de cassation de septembre 2025 représentent une évolution attendue du droit social français. Elles mettent fin à une longue période de non-conformité avec le droit européen et renforcent les droits des salariés en matière de conciliation entre santé et repos. La règle est désormais claire : un arrêt maladie pendant les congés payés entraîne le droit au report de ces jours, à condition que l’employeur en soit dûment informé. Cette uniformisation des règles devrait réduire les contentieux et apporter une plus grande sécurité juridique pour tous les acteurs du monde du travail.