
L’avantage en nature (AEN) des véhicules de fonction est un élément central de la fiscalité automobile en entreprise, correspondant à l’utilisation privée d’un véhicule d’entreprise mis à la disposition d’un salarié. Depuis le 1er février 2025, une réforme significative des modalités de calcul de cet avantage est entrée en vigueur, redéfinissant les règles après plus de 20 ans de stabilité. Cette mesure, publiée par un arrêté du 25 février 2025 (paru au Journal Officiel du 27 février), s’applique de manière rétroactive aux cotisations dues à compter de cette date.
L’avantage en nature d’un véhicule ou autre, constitue une forme de rémunération indirecte, soumise à cotisations sociales. L’évolution des règles impacte directement le coût global pour l’employeur et la pression fiscale pour le salarié.
Application de la réforme
La réforme crée une distinction fondamentale : après le 1er février 2025, ce sont les nouveaux barèmes qui s’appliquent. La date de mise à disposition correspond à la date de remise des clés ou à la date d’attribution fixée dans l’accord employeur-salarié.
Méthodes de calcul de l’avantage en nature
Les entreprises ont toujours le choix entre deux méthodes pour évaluer l’AEN :
L’évaluation sur la base des frais réels
Cette méthode est plus précise mais plus contraignante. Elle prend en compte l’amortissement du véhicule (20% de son prix d’achat, ou 10% s’il a plus de 5 ans, ou le coût annuel de location), les frais d’entretien, d’assurance, et les frais de carburant si pris en charge par l’employeur, au prorata du kilométrage privé par rapport au kilométrage total annuel. Les règles d’évaluation au réel n’ont pas subi de changements fondamentaux.
L’évaluation forfaitaire
C’est la méthode la plus couramment utilisée. Elle s’exprime en pourcentage du coût d’achat TTC du véhicule ou du coût global annuel de la location.
L’employeur peut choisir l’une ou l’autre de ces méthodes, et même en changer en cours d’année.
Augmentation des taux d’évaluation forfaitaire pour les véhicules thermiques et hybrides
Pour les véhicules mis à disposition à compter du 1er février 2025, les pourcentages d’évaluation forfaitaire ont été revus significativement à la hausse, de l’ordre de 67% pour certains cas.
Pour un véhicule acheté :
- Si le carburant personnel est à la charge du salarié : l’évaluation forfaitaire passe de 9% à 15% du coût d’achat TTC pour un véhicule de moins de 5 ans. Pour un véhicule de plus de 5 ans, elle passe de 6% à 10%.
- Si l’employeur prend en charge le carburant : l’évaluation passe de 12% à 20% du coût d’achat TTC pour un véhicule de moins de 5 ans. Pour un véhicule de plus de 5 ans, elle passe de 9% à 15%.
Pour un véhicule loué (avec ou sans option d’achat) :
- Si le carburant personnel est à la charge du salarié : le taux forfaitaire augmente de 30% à 50% du coût global annuel TTC (location, entretien, assurance).
- Si l’employeur prend en charge le carburant : l’AEN est calculé sur la base de 40% à 67% du coût global annuel.
Les véhicules hybrides ou hybrides rechargeables suivent les mêmes règles que les véhicules thermiques et électriques non éligibles à l’Éco-score. Il est important de noter que l’évaluation pour un véhicule loué est généralement plafonnée à celle qui résulterait de l’application des règles d’un véhicule acheté. La confirmation du maintien de cette tolérance pour les nouveaux barèmes est attendue.
Avantages spécifiques pour les véhicules électriques
Dans l’optique d’encourager la mobilité décarbonée, des règles dérogatoires spécifiques pour les véhicules 100% électriques sont maintenues et renforcées jusqu’au 31 décembre 2027.
- Exclusion des frais d’électricité : Les frais d’électricité pris en charge par l’employeur pour la recharge du véhicule restent exclus du calcul de l’AEN.
- Abattements renforcés :
- Pour les véhicules mis à disposition du 1er février 2025 au 31 décembre 2027 : un abattement de 70% est appliqué sur le montant de l’AEN forfaitaire, plafonné à 4 582 € par an en 2025.
- Condition d’éligibilité : Pour bénéficier de cet abattement majoré, le véhicule doit être 100% électrique et respecter une condition spécifique de score environnemental permettant l’obtention d’un bonus écologique.
- A titre de comparaison, pour les véhicules électriques mis à disposition entre le 1er janvier 2020 et le 31 janvier 2025, l’abattement était de 50%, plafonné à 2 000,30 € par an en 2025.
Cette stratégie fiscale vise à maintenir l’attractivité des véhicules électriques malgré la hausse générale des taux forfaitaires.
Dispositions spécifiques concernant les infrastructures de recharge
Les règles concernant la mise à disposition de bornes de recharge électrique sont également prolongées jusqu’au 31 décembre 2027.
- Borne installée sur le lieu de travail : L’installation et l’utilisation d’une borne de recharge sur le lieu de travail ne sont pas considérées comme un avantage en nature taxable, y compris pour les frais d’électricité.
- Borne installée au domicile du salarié :
- Si la borne est restituée à la fin du contrat de travail, la prise en charge par l’employeur des frais d’achat et d’installation est totalement exclue de l’assiette des cotisations sociales.
- Si la borne n’est pas restituée à la fin du contrat de travail, la prise en charge est exclue de l’assiette des cotisations sociales dans la limite de 50% des dépenses réelles (plafonné à 1 043,50 € en 2025). Si la borne a plus de 5 ans, cette limite est portée à 75% des dépenses réelles (plafonné à 1 565,20 € en 2025). Seul l’excédent est considéré comme un AEN.
- La prise en charge par l’employeur d’autres frais liés à l’utilisation ou à la location d’une borne hors du lieu de travail (hors frais d’électricité) est exclue de l’assiette des cotisations dans la limite de 50% des dépenses réelles que le salarié aurait dû engager.
Il est recommandé aux entreprises d’inclure dans les contrats une clause sur la restitution de la borne au départ du salarié pour éviter toute taxation.
Conséquences et recommandations pour les entreprises
L’augmentation des taux forfaitaires pour les véhicules non éligibles à l’Éco-score entraîne une hausse des charges sociales pour les employeurs et une pression fiscale accrue sur les salariés. Cela nécessite une adaptation immédiate des entreprises et une réévaluation de leurs politiques de gestion de flotte et de leurs déclarations fiscales.
Les services RH, paie et finance doivent :
- Mettre à jour les politiques internes : Revoir les politiques de dotation et d’usage des véhicules de fonction, mettre à jour les chartes internes, les contrats de travail, et les accords CSE.
- Adapter les outils : Ajuster les logiciels de paie et les outils de déclaration (DSN).
- Communiquer clairement : Informer les salariés concernés de manière transparente sur l’origine des changements, leur impact précis sur la fiche de paie, et les éventuelles mesures compensatoires envisagées.
Cette réforme représente également une opportunité de repenser la stratégie de mobilité de l’entreprise. L’écart fiscal grandissant entre les véhicules thermiques et électriques encourage l’accélération de la transition vers des flottes plus respectueuses de l’environnement. Des alternatives comme le forfait mobilité durable, les indemnités kilométriques, ou les solutions de mobilité partagée peuvent être envisagées pour optimiser les coûts et les avantages dans ce nouveau contexte réglementaire.