
La gestion des avantages en nature liés aux véhicules de fonction a connu une réforme majeure. Un nouvel arrêté, dont les dispositions sont entrées en vigueur dès le 1er février 2025, modifie significativement les modalités d’évaluation de l’avantage en nature (AEN) véhicule. Ces changements, qui remplacent des dispositions stables depuis plus de 20 ans, ont un impact direct sur la fiscalité et les charges sociales pour votre entreprise et vos collaborateurs.
Qu’est-ce qu’un avantage en nature véhicule ?
La mise à disposition d’un véhicule de fonction par l’employeur à un salarié est considérée comme un avantage en nature dès lors que le salarié peut l’utiliser pour ses déplacements privés, en dehors de son temps de travail. Cet avantage doit figurer sur le bulletin de paie et est soumis aux charges sociales et à l’impôt sur le revenu. L’employeur a le choix entre deux méthodes d’évaluation : basée sur les dépenses réellement engagées (évaluation au réel) ou sur un forfait annuel (évaluation forfaitaire). Ce choix peut être révisé en fin d’année, salarié par salarié.
L’avantage en nature n’existe pas si l’employé a l’interdiction écrite d’utiliser le véhicule pendant le repos hebdomadaire et les congés payés, y compris pour la carte de carburant de l’entreprise. De même, si le véhicule est utilisé par plusieurs salariés à des fins uniquement professionnelles, aucun avantage en nature n’est décompté. Les trajets domicile-lieu de travail ne constituent pas non plus un avantage en nature si l’utilisation du véhicule est nécessaire à l’activité professionnelle (ex: pas de transports en commun, horaires particuliers).
Une distinction clé : la date de mise à disposition
La réforme introduit une distinction fondamentale : les nouvelles règles s’appliquent aux véhicules mis à disposition à compter du 1er février 2025. Pour les véhicules mis à disposition avant cette date, les anciennes règles continuent de s’appliquer. Il est essentiel de noter que c’est la date d’attribution du véhicule au salarié qui détermine le régime applicable, et non la date d’acquisition du véhicule par l’entreprise. Cela signifie que si un véhicule est restitué par un salarié et attribué à un nouveau salarié après le 1er février 2025, les nouvelles règles s’appliqueront pour ce nouveau salarié. Les salariés pourraient donc choisir de conserver leur véhicule actuel plus longtemps pour retarder l’augmentation de l’avantage en nature sur leur fiche de paie.
Augmentation significative des barèmes pour les véhicules thermiques (ou hybrides)
Les pourcentages d’évaluation forfaitaire ont connu une hausse considérable, de l’ordre de 67% en moyenne pour les véhicules mis à disposition à partir du 1er février 2025.
Véhicules achetés par l’entreprise :
Véhicule de moins de 5 ans :
- Sans prise en charge du carburant : le barème passe de 9% à 15% du prix d’achat TTC. Par exemple, pour un véhicule de 50 000€, l’avantage annuel passe de 4 500€ à 7 500€. Pour un véhicule de 35 000€, l’augmentation est de 2 100€ par an, soit 175€ par mois.
- Avec prise en charge totale du carburant : le barème passe de 12% à 20% du prix d’achat TTC.
Véhicule de plus de 5 ans :
- Sans prise en charge du carburant : le barème passe de 6% à 10% du prix d’achat TTC.
- Avec prise en charge totale du carburant : le barème passe de 9% à 15% du prix d’achat TTC.
Véhicules loués ou en location avec option d’achat (LOA) :
- Sans prise en charge du carburant : le barème passe de 30% à 50% du coût global annuel (location, entretien, assurance).
- Avec prise en charge totale du carburant : le barème passe de 40% à 67% du coût global annuel.
L’impact financier pour votre entreprise et vos salariés est direct : cette hausse se traduit par une augmentation de l’assiette fiscale et sociale, entraînant potentiellement plus d’impôts et une baisse du salaire net pour le salarié, ainsi qu’un accroissement des charges sociales patronales pour l’entreprise. Par exemple, pour un véhicule à 45 000€, l’avantage mensuel passe de 337,50€ à 562,50€.
L’évaluation au réel, quant à elle, prend en compte un pourcentage du coût d’achat (20% pour véhicule de moins de 5 ans, 10% pour plus de 5 ans), l’assurance, les frais d’entretien, et les frais réels de carburant pour usage personnel. Le bonus écologique et le malus ne sont pas pris en compte dans le prix d’achat. Pour un véhicule loué, l’évaluation au réel inclut le coût global de la location, de l’entretien et de l’assurance. L’employeur doit prouver qu’il ne prend pas en charge le carburant privé.
Un régime de faveur maintenu pour les véhicules 100% électriques
Dans une démarche d’encouragement à la transition énergétique, les véhicules fonctionnant exclusivement à l’énergie électrique continuent de bénéficier de dispositions spécifiques et favorables.
- Non-prise en compte des frais d’électricité : Les frais d’électricité pris en charge par l’employeur pour la recharge du véhicule ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’avantage en nature.
- Abattements accrus : Pour les véhicules électriques mis à disposition à partir du 1er février 2025 et jusqu’au 31 décembre 2027 :
- L’avantage en nature est calculé après l’application d’un abattement de 70% (contre 50% précédemment) si l’évaluation est forfaitaire.
- L’avantage en nature est calculé après l’application d’un abattement de 50% (contre 50% précédemment) si l’évaluation est au réel, par tolérance administrative.
- Le plafond de l’abattement passe à 4 582€ par an (contre 2 000,30€ auparavant).
- Nouvelle condition : pour bénéficier de cet abattement majoré à partir du 1er février 2025, le véhicule doit respecter une condition spécifique de « score environnemental » permettant l’obtention d’un bonus écologique. Cette condition est vérifiée le jour de la mise à disposition du véhicule.
Cette mesure vise à maintenir l’attractivité des véhicules électriques, rendant l’écart d’évaluation avec les véhicules thermiques encore plus marqué et encourageant l’adoption de flottes plus écologiques. L’augmentation de l’abattement permet de maintenir un niveau d’avantage en nature comparable ou légèrement supérieur à l’ancien régime, malgré l’augmentation des pourcentages de base. Par exemple, pour un véhicule électrique de 44 000€, l’avantage annuel passe de 1 980€ (avant le 1er février 2025) à 2 018€ (à partir du 1er février 2025).
Les bornes de recharge électrique : un dispositif favorable prolongé
Le législateur maintient un soutien à l’infrastructure de recharge, prolongeant le régime spécifique d’évaluation de l’avantage en nature pour les bornes de recharge jusqu’au 31 décembre 2027.
- Borne installée sur le lieu de travail : L’avantage en nature résultant de l’utilisation personnelle d’une borne installée sur le lieu de travail est évalué à zéro euro, y compris pour les frais d’électricité. Cela s’applique même si le véhicule appartient au salarié.
- Borne installée au domicile du salarié :
- Si la borne est retirée à la fin du contrat de travail, la prise en charge par l’employeur des frais d’achat et d’installation ne constitue pas un avantage en nature.
- Si la borne est maintenue au domicile du salarié après la fin du contrat, la prise en charge des frais d’achat et d’installation n’est pas un avantage en nature si elle ne dépasse pas :
- 50% des dépenses réelles (dans la limite de 1 043,50€ en 2025) pour une borne de moins de 5 ans.
- 75% des dépenses réelles (dans la limite de 1 565,20€ en 2025) pour une borne de plus de 5 ans.
- Au-delà de ces limites, l’excédent est considéré comme un avantage en nature.
- La prise en charge par l’employeur d’autres frais liés à l’utilisation de la borne (hors électricité, par exemple l’entretien ou la location de la borne) est exonérée dans la limite de 50% des dépenses réelles que le salarié aurait dû engager. Au-delà de cette limite, l’excédent est considéré comme un avantage en nature.
Seule la prise en charge des frais d’électricité pour un véhicule mis à disposition par l’employeur et fonctionnant exclusivement à l’énergie électrique est exclue de l’assiette des cotisations sociales.
Conséquences et recommandations pour les employeurs
Ces nouvelles règles invitent les entreprises à repenser leur politique de mobilité.
- Vigilance et documentation : Pour toute nouvelle mise à disposition d’un véhicule de fonction, soyez attentifs aux barèmes applicables et conservez précieusement la documentation relative à la date d’attribution.
- Communication transparente : Anticipez et informez clairement vos collaborateurs des impacts sur leur salaire net et leurs cotisations sociales pour éviter les incompréhensions.
- Réorientation de la flotte :
- Le coût de l’avantage en nature pour les véhicules thermiques va considérablement alourdir la masse salariale.
- Le recours aux véhicules de service (utilisés uniquement pour les déplacements professionnels et restitués en dehors des heures de travail) peut être une solution, car ils ne constituent pas un avantage en nature taxable.
- Considérez la transition vers une flotte de véhicules 100% électriques pour bénéficier des abattements fiscaux et sociaux favorables.
- N’oubliez pas que la mise à disposition d’un vélo de fonction (électrique ou non) par l’employeur n’est actuellement pas considérée comme un avantage en nature taxable par l’URSSAF. De ce fait, aucun avantage en nature ne figurera sur les fiches de paie du salarié qui ne sera tenu de payer ni charges sociales, ni impôts. L’entreprise peut même déduire les frais liés à l’acquisition, à l’entretien, la location et l’assurance des vélos, à hauteur de 25% de l’impôt sur les sociétés. L’utilisation d’un vélo de fonction devrait « connaître de beaux jours ».
- D’autres dispositifs comme le forfait mobilité durable, les indemnités kilométriques ou les solutions de mobilité partagée pourraient présenter un meilleur équilibre coût/avantage.
En adaptant votre stratégie, vous pourrez non seulement maîtriser vos charges, mais aussi renforcer votre engagement en faveur d’une mobilité plus durable. Les équipes de Merx Paie se tiennent d’ailleurs à disposition pour une analyse plus approfondie et un ajustement de vos pratiques en matière de mobilité.