
L’intérim, ou travail temporaire, est un mode de recours souple pour les entreprises utilisatrices, permettant de faire face à des besoins ponctuels ou accrus en personnel. Au-delà du contrat de mission classique, un dispositif particulier existe : le contrat à durée indéterminée intérimaire (CDII).
Ce contrat, moins connu, lie directement l’intérimaire à son agence d’intérim (Entreprise de Travail Temporaire – ETT) sur le long terme, tout en conservant la nature temporaire des missions effectuées au sein des entreprises clientes. Comprendre les spécificités de ce contrat est essentiel pour les employeurs.
Qu’est-ce que le CDI intérimaire ?
Le CDI intérimaire (CDII) est un contrat de travail à durée indéterminée conclu entre une entreprise de travail temporaire (agence d’intérim) et un salarié. Ce contrat permet au salarié, qui devient un employé de l’ETT, de réaliser différentes missions successives au sein de diverses entreprises utilisatrices. L’objectif principal du CDII est de combiner la sécurité de l’emploi offerte par un CDI avec la diversité des missions caractéristiques de l’intérim. Ce type de contrat vise à sécuriser les parcours professionnels des intérimaires.
Le CDII est encadré par le Code du travail aux articles L. 1251-58-1 à L. 1258-8. Bien qu’il s’agisse d’un CDI, il est soumis à certaines dispositions spécifiques dérogeant aux règles générales du CDI.
Ce contrat comprend des périodes d’exécution des missions chez les entreprises utilisatrices et peut prévoir des périodes sans exécution de mission, appelées « périodes d’intermission ». Ces périodes inactives comptent pour le calcul de l’ancienneté du salarié et pour ses droits à congés payés. Le salarié en CDI intérim est embauché et rémunéré par l’ETT qui le met à disposition des entreprises utilisatrices pour une durée limitée, dans le cadre d’une mission.
Fonctionnement et spécificités du CDI intérimaire
La mise à disposition d’un salarié en CDII auprès d’une entreprise utilisatrice ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de cette entreprise. Les cas de recours autorisés pour une mission en CDII sont les mêmes que pour un contrat d’intérim classique. Il s’agit notamment du remplacement d’un salarié absent, de l’attente de la prise de fonction d’un nouveau salarié, de l’accroissement temporaire d’activité de l’entreprise, ou encore de pourvoir un emploi saisonnier.
Durée des missions et délai de carence
Alors qu’une mission d’intérim classique a une durée maximale généralement fixée à 18 mois (renouvellement inclus), les missions réalisées dans le cadre d’un CDII peuvent être plus longues. Bien qu’une convention ou un accord de branche étendu de l’entreprise utilisatrice puisse fixer la durée totale de la mission, cette durée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi permanent. À défaut d’accord de branche, la durée totale de la mission dans le cadre d’un CDI intérimaire ne fait plus l’objet de limite légale depuis fin 2022. Pour l’entreprise utilisatrice, un avantage majeur du CDII est qu’il n’y a pas de délai de carence entre deux missions successives sur le même poste de travail lorsque ces missions sont effectuées par un salarié titulaire d’un CDII.
Rémunération et avantages
Le salarié en CDII bénéficie des mêmes droits que tout autre salarié en CDI. Il perçoit une rémunération mensuelle minimale garantie par l’ETT. Cette rémunération ne peut être inférieure au produit du Smic par le nombre d’heures correspondant à la durée légale hebdomadaire pour le mois considéré, compte tenu des rémunérations versées durant les périodes d’activité. Le montant de cette rémunération minimale garantie figure dans le contrat CDII. Le salarié continue de percevoir un salaire, calculé sur la base de la mission précédente, même entre deux missions (périodes d’intermission). Cependant, le salarié en CDII ne perçoit pas l’indemnité de fin de mission (prime de précarité). Il ne perçoit pas non plus l’indemnité compensatrice de congés payés après chaque mission, ces droits étant gérés sur l’ensemble du contrat CDII.
Conditions de travail et droits
Pendant sa mission, le salarié intérimaire en CDII bénéficie des mêmes droits et est soumis aux mêmes règles que les salariés de l’entreprise utilisatrice concernant la durée du travail (y compris le travail de nuit), le repos hebdomadaire, les jours fériés, la sécurité et l’hygiène. Il a également accès aux équipements collectifs de l’entreprise utilisatrice (transport, restauration, vestiaires, etc.). Il est placé sous l’autorité du chef d’entreprise de l’entreprise utilisatrice.
Le salarié en CDII exerce ses droits collectifs au sein de l’ETT. Cependant, il peut se faire représenter dans l’entreprise utilisatrice et est pris en compte dans le calcul de l’effectif de cette dernière, proportionnellement à son temps de présence, sauf s’il remplace un salarié absent. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, les représentants du personnel (CSE) ont aussi des attributions concernant les salariés temporaires, et l’employeur doit informer le CSE sur le recours aux contrats de mission.
Période d’essai et rupture
Une période d’essai peut être prévue dans le contrat CDII conclu entre l’ETT et le salarié. Sa durée dépend des responsabilités confiées. L’ETT peut imputer sur cette période d’essai la durée des missions accomplies par le salarié au cours des 4 derniers mois. Cette période d’essai peut être renouvelée. Pendant cette période, le salarié peut démissionner rapidement. En dehors de la période d’essai, la rupture du CDII est régie par les règles de droit commun du CDI. Si le salarié en CDII souhaite démissionner, il doit respecter le délai de préavis prévu pour les CDI.
À noter qu’il ne peut pas y avoir de période d’essai prévue dans la lettre de mission pour un salarié en CDII.
Relation avec l’entreprise utilisatrice
Lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié en CDII de la part d’une agence d’intérim, la démarche de recrutement pour la mission est similaire à celle pour un intérimaire classique. Le CDII lie le salarié à l’ETT, et c’est l’ETT qui conclut un contrat de mission, ou plus précisément un contrat de mise à disposition, avec l’entreprise utilisatrice pour chaque mission.
Le contrat de mise à disposition
Le contrat de mise à disposition conclu entre l’ETT et l’entreprise utilisatrice pour un salarié en CDII a le même contenu obligatoire que celui pour un salarié sous contrat de mission classique. Il doit notamment mentionner le motif du recours, le terme de la mission ou sa durée minimale, les caractéristiques particulières du poste (qualification, lieu, horaire, risques, EPI), et le montant de la rémunération que percevrait un salarié de qualification équivalente dans l’entreprise utilisatrice. Chaque mission donne également lieu à l’établissement d’une lettre de mission par l’ETT et transmise au salarié, qui précise les termes de la mission.
Embauche en cdi « classique » par l’entreprise utilisatrice
Il est possible pour l’entreprise utilisatrice d’embaucher en CDI « classique » un intérimaire qui est titulaire d’un CDII auprès de son agence. Cette démarche met fin aux contrats qui liaient le salarié à l’ETT.
Si l’entreprise utilisatrice continue de faire travailler le salarié en CDII après la fin de sa mission sans avoir conclu de contrat de travail avec lui ou sans un nouveau contrat de mise à disposition, le salarié est réputé lié à l’entreprise utilisatrice par un CDI.
Lorsqu’une entreprise utilisatrice propose un CDI à un salarié en CDII (différent du CDII lui-même), cela émane directement de l’entreprise cliente. Le salarié qui accepte cette proposition met fin à son CDII avec l’ETT et doit respecter le délai de préavis prévu pour les CDI. La durée des missions effectuées dans l’entreprise utilisatrice avant l’embauche en CDI peut être prise en compte pour l’ancienneté et doit être déduite de l’éventuelle période d’essai du nouveau contrat CDI. L’indemnité de fin de mission n’est pas versée en cas d’embauche immédiate en CDI par l’entreprise utilisatrice à l’issue de la mission.
Points d’attention et sanctions
Le recours au CDII, comme à l’intérim classique, est strictement limité aux cas prévus par la loi. Le contrat, quelle que soit sa durée ou sa structure, ne peut pas avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Requalification en CDI « classique »
Si une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une ETT (y compris en CDII) en méconnaissance des dispositions légales ou des conventions/accords de branche applicables (par exemple, pour pourvoir durablement un emploi, ou en violation de règles sur la durée maximale ou les renouvellements prévues par accord), le salarié peut faire valoir ses droits à un CDI auprès de l’entreprise utilisatrice. Ce CDI prendrait effet au premier jour de sa mission. Les cas de requalification sont prévus aux articles L. 1251-39 à L. 1251-41 du Code du travail.
Le recours irrégulier à la mise à disposition d’un salarié en CDI intérimaire peut également entraîner des sanctions pénales pour l’employeur. L’entreprise se doit de respecter scrupuleusement les règles régissant le travail temporaire, même lorsqu’on a recours à un salarié titulaire d’un CDII.