
Le Conseil constitutionnel a apporté des clarifications sur les conditions d’attribution et d’indemnisation du congé de paternité et d’accueil de l’enfant. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), il a rendu sa décision le 8 août 2025, distinguant les situations des couples d’hommes, de femmes et des personnes transgenres. Si la demande du conjoint du père de l’enfant a été rejetée, le Conseil a en revanche élargi le droit au congé pour les conjointes de la mère ayant établi un lien de filiation. Il a par ailleurs validé les règles pour les personnes transgenres.
Rappel des règles d’octroi du congé de paternité
La loi prévoit que peuvent bénéficier d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant, indemnisé par la sécurité sociale (sous certaines conditions non détaillées ici) : le père salarié de l’enfant ; et, le cas échéant, le conjoint, concubin ou partenaire pacsé salarié de la mère, si cette personne n’est pas le père de l’enfant. Il ressort de ces règles que, pour toute personne sans lien de filiation avec l’enfant, l’accès au congé de paternité est conditionné à l’existence d’un lien (mariage, Pacs, concubinage) avec la mère.
Les griefs soulevés devant le Conseil constitutionnel
Une association de défense des parents et futurs parents gay et lesbiens a contesté ces dispositions devant le Conseil d’État, qui a ensuite saisi le Conseil constitutionnel d’une QPC. L’association a soulevé plusieurs points concernant une rupture d’égalité.
Pour les couples d’hommes : une différence de traitement
L’association plaignante a mis en avant le fait que réserver le congé de paternité et d’accueil de l’enfant au père et à la personne vivant avec la mère, sans l’ouvrir à la personne vivant avec le père, crée une différence de traitement. Elle a soulevé le cas d’un couple d’hommes où seul un lien de filiation est établi avec un des membres, empêchant l’autre de bénéficier du congé.
Pour les couples de femmes : une rupture d’égalité
Les dispositions seraient aussi source d’une rupture d’égalité entre le père de l’enfant, qui bénéficie du congé même après une séparation avec la mère, et la femme dans un couple de femmes ayant eu recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP). Selon l’association, cette femme ne pourrait pas prétendre au congé en cas de séparation avec la mère ayant accouché, malgré un lien de filiation établi par reconnaissance conjointe anticipée.
Pour les personnes transgenres : méconnaissance des droits
Enfin, le cas d’un couple comprenant un homme transgenre ayant accouché a été abordé. L’association a estimé que l’autre membre de ce couple ne pourrait pas bénéficier du congé, contrairement à une personne vivant avec la mère, car un homme transgenre ne pourrait pas établir un lien de filiation maternelle avec l’enfant.
Les réponses du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a répondu de manière spécifique à chacun de ces arguments.
Couples d’hommes : la différence de traitement est validée
Le Conseil constitutionnel a rappelé que le congé de paternité vise à éviter l’isolement de la mère après l’accouchement, pour la soutenir et protéger sa santé durant une période de vulnérabilité. Au regard de cet objectif, le législateur a pu considérer que le père ne fait pas face aux mêmes risques que la mère ayant accouché, et que la situation du conjoint, concubin ou partenaire du père est différente de celle de la personne vivant avec la mère.
Par conséquent, ces dispositions peuvent exclure du congé de paternité le conjoint, concubin ou partenaire du père de l’enfant. Cette différence de traitement est jugée conforme à l’objet de la loi. Conclusion: dans un couple d’hommes, seul le père peut bénéficier du congé de paternité, son compagnon en étant exclu.
Couples de femmes : le congé paternité étendu à la mère non-gestatrice
Le Conseil constitutionnel a considéré qu’en accordant au père un congé après la naissance de son enfant, le législateur entend permettre la présence auprès de l’enfant de l’autre parent avec un lien de filiation, dès les premiers jours suivant l’accouchement.
Dans le cas d’un couple de femmes ayant eu recours à une AMP, les dispositions légales ne peuvent donc pas exclure du congé la femme dont la filiation avec l’enfant a été établie par reconnaissance conjointe. Toute autre interprétation méconnaîtrait le principe d’égalité devant la loi. Ainsi, même séparée de la mère ayant accouché, la femme dont la filiation est établie par reconnaissance conjointe anticipée a droit au congé de paternité.
Personnes transgenres : les règles actuelles jugées suffisantes
Le Conseil constitutionnel a rappelé que, selon la Cour de cassation, les personnes transgenres ayant modifié leur sexe à l’état civil peuvent reconnaître un lien de filiation avec leur enfant selon les modes correspondant à leur réalité physiologique. Lorsqu’elle accouche, une personne transgenre bénéficie d’un congé de maternité ou d’indemnités journalières.
Son conjoint, concubin ou partenaire a droit au congé de paternité et d’accueil de l’enfant, s’il justifie d’une communauté de vie avec cette personne ou d’un lien de filiation avec l’enfant. Les dispositions légales n’instituent donc aucune différence de traitement entre les couples comportant une personne transgenre et les autres couples.
Le Conseil d’État, qui avait sursis à statuer dans l’attente de cette décision, va désormais pouvoir rendre sa décision en tenant compte de ces clarifications. C. constit., décision 2025-1155 QPC du 8 août 2025, JO du 9.

