
L’intérim constitue souvent une porte d’entrée vers un emploi stable au sein d’une entreprise utilisatrice. Employeurs et salariés y voient une opportunité, pour le premier de tester un profil, pour le second de découvrir un poste et une structure, avant potentiellement de s’engager sur le long terme. Explorer les possibilités d’embauche en contrat à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI) après une mission d’intérim est donc pertinent pour les dirigeants.
Embauche d’un intérimaire en CDI
Il est tout à fait possible de recruter un intérimaire à la suite de sa mission pour un poste en contrat à durée indéterminée (CDI). Cette démarche met fin aux contrats qui liaient l’agence d’intérim à l’entreprise utilisatrice et au salarié.
L’intérim peut servir de période d’essai « qui ne dit pas son nom », permettant à l’employeur d’évaluer le futur collaborateur avant une proposition de CDI. Recruter en intérim avant une embauche en CDI peut ainsi donner plus de temps à l’entreprise pour prendre sa décision. Cela peut également impliquer moins de temps consacré au recrutement grâce à la présélection par l’agence et potentiellement moins de frais qu’un chasseur de têtes.
Lorsqu’une proposition de CDI émane de l’entreprise utilisatrice (par opposition à un CDI intérimaire), plusieurs aspects doivent être pris en compte. Si la proposition intervient pendant la période d’essai prévue par le contrat de mission, chaque partie (entreprise utilisatrice, agence, salarié) peut mettre fin au contrat d’intérim à tout moment. Le salarié intérimaire souhaitant accepter le CDI doit néanmoins respecter un délai de prévenance : 48 heures s’il est présent depuis plus de 8 jours, et 24 heures dans le cas contraire, avant de pouvoir rejoindre le nouvel employeur. Après la période d’essai, la rupture du contrat d’intérim par le salarié est autorisée s’il justifie d’une embauche en CDI. L’intérimaire doit alors respecter un délai de préavis d’une durée d’un jour par semaine travaillée prévue dans le contrat de mission, sans que cette durée ne puisse excéder deux semaines. Il doit informer l’agence d’intérim par lettre recommandée avec accusé de réception, en mentionnant la durée du préavis, la date de fin de mission et en joignant un justificatif du nouvel emploi en CDI.
Concernant la période d’essai du nouveau contrat CDI, la durée pendant laquelle le salarié a été mis à disposition de l’entreprise dans le cadre de l’intérim doit être prise en compte et déduite de l’éventuelle période d’essai prévue dans le nouveau contrat de travail. Si le poste proposé en CDI est différent de celui occupé en intérim, une nouvelle période d’essai peut être prévue.
En cas d’embauche immédiate en CDI à l’issue de la mission, l’indemnité de fin de mission n’est pas versée à l’intérimaire. La durée des missions effectuées au cours des trois mois précédents l’embauche est prise en compte pour calculer l’ancienneté du salarié.
Il est important de noter que, selon certaines agences, embaucher un intérimaire avant un certain seuil d’heures travaillées en intérim (par exemple, moins de 450 heures sur les 12 mois précédents chez Omedo) peut entraîner des honoraires de recrutement pour l’entreprise utilisatrice. Ces honoraires peuvent être calculés comme un pourcentage de la rémunération annuelle brute estimée. L’entreprise utilisatrice doit informer l’agence d’intérim (par exemple, Omedo) dans un délai court (par exemple, 8 jours) de toute embauche ou contrat de prestation de service conclu avec l’intérimaire dans les 12 mois suivant la fin de la mission. Le défaut d’information peut entraîner des sanctions financières, comme une indemnité forfaitaire s’ajoutant aux frais d’embauche.
Enfin, une mission d’intérim ne peut en aucun cas être considérée comme une période d’essai pour un futur CDD ou CDI.
Embauche d’un intérimaire en CDD
Il est possible pour un employeur de conclure un contrat à durée déterminée (CDD) avec un salarié ayant effectué une mission en intérim, notamment dans le cadre d’un surcroît d’activité. Cependant, la succession de contrats précaires (intérim et CDD) sur le même poste et pour le même motif obéit à des règles.
En principe, lorsqu’un contrat d’intérim est suivi d’un CDD au sein de la même entreprise utilisatrice pour faire face à un accroissement temporaire d’activité, il est nécessaire de respecter un délai de carence entre les deux contrats. Ce délai est égal à la moitié de la durée du contrat initial si celui-ci est inférieur à 14 jours, et au tiers si sa durée est supérieure ou égale à 14 jours. Le calcul se fait en jours calendaires, mais le délai de carence ne prend en compte que les jours d’ouverture de l’entreprise.
La question de la sanction en cas de non-respect de ce délai de carence s’est posée. Contrairement à la succession de deux CDD, où le non-respect du délai de carence peut entraîner la requalification en CDI, la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 septembre 2023 (n°21-21154), a précisé le régime applicable pour la séquence intérim suivi de CDD.
La Cour a validé le raisonnement selon lequel aucune disposition légale ne prévoit la sanction de la requalification en contrat de travail à durée indéterminée dans le cadre d’une succession d’un contrat de travail temporaire et d’un contrat de travail à durée déterminée au sein de l’entreprise utilisatrice, sans respect du délai de carence. L’article L.1251-40 du Code du travail, qui énumère les cas de requalification en CDI en cas de non-respect des règles de succession de contrats précaires, ne vise pas expressément le non-respect du délai de carence entre un contrat de mission et un CDD.
Par conséquent, la Cour de cassation a estimé que la requalification en CDI n’est pas la sanction prévue par le Code du travail en cas de conclusion d’un CDD à l’issue d’un contrat de mission sans respecter le délai de carence, même si le motif est identique (surcroît d’activité).
Cette position ne signifie pas qu’aucune sanction n’est applicable en cas de non-respect du délai de carence dans cette situation spécifique, mais l’indemnisation ne sera pas celle prévue pour une requalification en CDI. En revanche, l’articulation des textes aboutit à la solution inverse, c’est-à-dire à la requalification en CDI, si l’employeur conclut un CDD puis, dans un second temps, un contrat de mission pour le même motif sans respecter le délai de carence.
En résumé, l’embauche d’un intérimaire en CDD après une mission est possible, mais le respect du délai de carence est requis, bien que le non-respect de ce délai dans ce sens précis (intérim puis CDD) ne soit pas sanctionné par la requalification automatique en CDI selon la jurisprudence récente mentionnée.