
Le bulletin de paie est un document essentiel qui récapitule tous les éléments qui constituent le salaire ainsi que ceux ayant permis son calcul. Pour l’employeur, la gestion de la paie implique une obligation fondamentale : celle de délivrer un bulletin de paie à chaque salarié lors du versement de sa rémunération. Ce document a une valeur juridique, agissant comme un justificatif de paiement et prouvant le travail effectué durant la période précisée, ainsi que la déclaration du salarié auprès des organismes sociaux, notamment en termes de retraite et de protection sociale. L’employeur doit donc accorder une attention particulière aux règles qui régissent l’établissement et la remise de ce document pour garantir la transparence et la conformité.
Obligation générale de délivrance du bulletin de paie
L’employeur a l’obligation de fournir à chaque salarié un bulletin de paie lors du versement de sa rémunération. Cette obligation s’applique à toutes les personnes salariées, apprenties ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, quels que soient le type de contrat de travail, le montant et la nature de leurs rémunérations, la forme ou la validité de leur contrat, ou encore le niveau hiérarchique et l’emploi occupé. Dès lors qu’il verse une rémunération à un individu considéré comme salarié de son entreprise, l’employeur doit justifier le paiement par l’édition d’une fiche de paie.
Cette obligation de délivrance permet au salarié de vérifier l’exactitude de la somme versée par le décompte détaillé qui y figure.
Des exceptions à cette obligation existent :
- La remise d’un bulletin de paie n’est pas obligatoire pour le stagiaire dont la gratification n’excède pas un montant minimal ou dont le stage est inférieur à 2 mois.
- Si le contrat de travail est suspendu et qu’aucun salaire n’est dû (par exemple, un salarié en congé parental d’éducation à temps plein, en congé de maternité ou d’adoption sans percevoir de rémunération mais des IJSS), l’employeur est dispensé de la remise du bulletin. Cependant, si le salarié opte pour un congé parental à temps partiel, un bulletin correspondant au travail fourni doit lui être délivré.
Contenu obligatoire et interdit du bulletin de paie
Le bulletin de paie doit obligatoirement contenir un certain nombre de mentions obligatoires prévues par la loi, répertoriées notamment à l’article R. 3243-1 du Code du travail et suivants. Ces mentions visent à assurer la transparence et à permettre aux salariés de mieux comprendre leur fiche de paie et les éléments de leur rémunération.
Mentions Obligatoires
Les mentions obligatoires sont regroupées en différentes catégories :
- Mentions relatives à l’identification de l’employeur : nom/dénomination, adresse de l’entreprise, numéro de SIREN, code APE/NAF.
- Mentions relatives à l’identification du salarié : nom et prénom, adresse postale, numéro de sécurité sociale, date d’ancienneté et de début du contrat, qualification professionnelle, position dans la classification conventionnelle.
- Mentions relatives au temps de travail et au paiement du salaire : période et nombre d’heures de travail (distinguant taux normal et heures majorées), dates des congés, absences pour maladie et montant des IJSS, nature et montant des autres versements et retenues (tickets restaurants, transports, logement), taux des cotisations et contributions sociales salariales.
- Mentions relatives aux cotisations et contributions sociales : montant des différentes cotisations sociales (accident du travail et maladie professionnelle, retraite, chômage), taux des exonérations de cotisations et de contributions fiscales.
- Mentions relatives au salaire net à payer et au salaire net imposable : montant du salaire « net à payer avant impôt sur le revenu », base de calcul pour le prélèvement à la source, salaire net après impôt, date de paiement et mode de versement.
- Mention du Montant Net Social : depuis le 1er juillet 2023, le bulletin de paie doit obligatoirement faire figurer le montant net social, qui correspond au revenu net après déduction de l’ensemble des prélèvements sociaux obligatoires.
- Recommandation de conservation : Il est recommandé au salarié de conserver l’ensemble de ses bulletins de paie sans limitation de durée, et cette recommandation fait partie des mentions obligatoires.
Mentions interdites
La loi a précisé les mentions interdites sur le bulletin de paie :
- L’activité de représentation des salariés.
- L’exercice du droit de grève.
Les informations relatives à la nature et au montant de la rémunération de l’activité des élus du CSE doivent faire l’objet d’un document annexé au bulletin de paie et non figurer sur le bulletin lui-même.
Délai et modalités de remise
Le délai de remise
Le Code du Travail ne prévoit pas de délai légal strict entre le paiement du salaire et la date de délivrance du bulletin de paie. Cependant, la date de délivrance de ce document doit être étroitement liée à la date de versement des salaires.
Bien que la date de délivrance soit libre, l’employeur doit tout de même respecter deux conditions cumulatives :
- La date de délivrance du bulletin de paie doit être similaire d’un mois à l’autre.
- La remise du document doit intervenir au plus tard tous les 30 jours.
L’employeur est libre de choisir cette date, mais il a l’obligation de la respecter chaque mois. L’absence du salarié ne peut être prétexte à un retard de remise du bulletin de paie.
Seule exception mentionnée en cas de rupture du contrat de travail : la fiche de paie justifiant la dernière rémunération doit être remise au salarié lors de son dernier jour travaillé, en même temps que le solde de tout compte.
Les modalités de remise
L’employeur a le choix de remettre le bulletin au format papier (remise en main propre ou par voie postale) ou en version numérique (dématérialisée). La remise dématérialisée est possible depuis le 1er janvier 2017.
Si l’employeur opte pour le bulletin de paie électronique, il doit informer le salarié, un mois avant la première émission du bulletin sous forme électronique ou au moment de l’embauche, de son droit de s’opposer à cette modalité de remise. Le salarié dispose du droit de s’opposer à la remise de son bulletin de paie en ligne à tout moment, avant ou après la première émission électronique. S’il s’y oppose, il doit le notifier à l’employeur, et ce dernier doit lui fournir sa fiche de paie au format papier (remise en mains propres ou par voie postale).
Quelle que soit la modalité de remise, l’employeur doit pouvoir en prouver la remise (par exemple, en faisant signer le salarié pour une remise en main propre papier).
L’employeur a l’obligation de garantir la confidentialité des données du bulletin de paie. Le bulletin de paie ne doit pas être diffusé sans l’accord du salarié car c’est un élément de sa vie privée.
Obligation de conservation des bulletins de paie
L’employeur est tenu de conserver un double (une copie) de tous les bulletins de paie de chaque salarié. Cette obligation existe depuis le 1er août 1988. Le respect de la durée de conservation des fiches de paie par l’employeur est une nécessité.
La copie peut être conservée au format papier ou en version numérique.
Durée de conservation
Selon la loi, le délai de conservation des bulletins de salaire par l’employeur est de 5 ans minimum. Ce délai de 5 ans s’applique aussi bien aux copies papier qu’aux copies numériques.
Pour les bulletins de paie transmis et conservés sous forme dématérialisée, l’employeur doit garantir leur disponibilité pendant une durée plus longue :
- soit une durée de 50 ans ;
- soit jusqu’à ce que le salarié atteigne l’âge de la retraite augmenté de 6 ans ;
- soit jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 75 ans.
Le point de départ de ces différentes durées pour les bulletins dématérialisés est la date de leur transmission au salarié.
Lors d’un contrôle de l’inspection du travail, l’employeur doit être en mesure de présenter une copie (électronique ou papier) des bulletins de paie de l’ensemble de ses salariés.
Modalités et sécurité de la conservation
La sécurisation et la confidentialité des documents électroniques sont des enjeux clés. L’utilisation d’un outil informatique fiable qui permet de faciliter la transmission, la conservation et l’archivage des bulletins de paie est impliquée par la digitalisation. L’utilisation d’un logiciel RH, d’un cloud (espace de stockage numérique où les données sont conservées et cryptées), ou d’un coffre-fort numérique (répondant à des exigences plus élevées de sécurisation) est recommandée. Un logiciel de paie peut aider l’employeur à respecter la durée de conservation des fiches de paie.
Fourniture de duplicata
Si le salarié égare sa fiche de paie et demande à son employeur de lui en communiquer un double (duplicata), aucune obligation légale n’impose à l’employeur de transmettre ledit duplicata. Cette règle manque de cohérence avec l’obligation de conservation relativement longue des bulletins de paie, notamment dématérialisés.
Correction des Erreurs et Sanctions
Correction des erreurs
Lorsqu’une erreur est constatée sur un bulletin de paie, l’employeur est tenu de la régulariser au plus vite et d’en informer le salarié. Une solution amiable pour corriger l’erreur doit être envisagée. Généralement, l’erreur fait l’objet d’une régularisation sur le bulletin de paie du mois suivant. Toute modification du bulletin de paie après édition sans information du salarié est assimilée à une falsification et peut entraîner des sanctions pénales.
Sanctions en cas de manquement
Le non-respect des obligations de l’employeur concernant le bulletin de paie expose l’entreprise à des sanctions.
- En cas d’absence de délivrance ou de remise tardive du bulletin de paie :
- L’employeur s’expose à une amende pouvant atteindre 450 € pour chaque bulletin non remis ou remis tardivement.
- Il peut être condamné au versement de dommages et intérêts si le salarié démontre avoir subi un préjudice résultant de la non-délivrance ou de la délivrance tardive.
- Le salarié peut saisir le Conseil de Prud’hommes qui pourra ordonner la remise des bulletins de paie manquants, éventuellement sous astreinte.
- L’absence de remise de bulletins de paie peut être constitutive d’un délit de travail dissimulé.
- En cas de non-conservation de la copie requise :
- Cela constitue une contravention de 3ème classe.
- L’employeur est passible d’une amende pouvant atteindre 450 € pour chaque bulletin manquant lors d’un contrôle de l’inspection du travail.